Pornographie et vie de couple

Doivent elles faire chambre à part?

iStock_000013800766XSmallEst-ce que la pornographie est source de conflits dans votre couple?

Il est bien fini le temps où les hommes jetaient leur dévolu sur la section des sous‑vêtements des catalogues Sears pour se rincer l’œil ou devaient se déplacer physiquement pour se procurer des revues « osées ». La pornographie est aujourd’hui facilement accessible dans Internet, et en tout temps. Sa consommation est donc devenue une nouvelle source de conflits pour certains couples, que ce soit dans leur vie sexuelle ou non.

J’ouvre une parenthèse pour mettre une chose au clair. Vous avez remarqué que j’ai mentionné au début « les hommes », comme si le fait de regarder de la porno était un loisir exclusivement masculin, même si on sait que plusieurs femmes peuvent aussi apprécier et être excitées par ce type de loisir, en solo ou avec leur partenaire. En fait, c’est qu’au cours de ma pratique, je dois vous avouer qu’il ne m’est encore jamais arrivé de rencontrer d’hommes qui se plaignaient que leur femme ou leur copine fasse usage de pornographie. Fermeture de la parenthèse.

Ce que je vois dans ma pratique, ce sont plutôt des couples qui vivent des situations tendues depuis que madame a appris que monsieur consommait de la porno.

Il arrive que des partenaires sortent blessés et frustrés de longues et vives disputes en voyant que leurs tentatives pour régler leurs divergences au sujet de la pornographie n’ont rien donné. Comment se fait‑il que, pour de nombreux couples, la pornographie soit un sujet si délicat?

Pourquoi regarder de la porno? Moi, je ne le satisfais pas?

Une fois qu’elles ont découvert le pot aux roses, certaines femmes développent le sentiment qu’elles sont inaptes sexuellement et viennent à mettre en doute leur capacité à satisfaire leur partenaire. Derrière cette réaction se cache la croyance qu’une personne satisfaite sur le plan sexuel n’a pas besoin de consommer de la pornographie. D’autres femmes perdent confiance en leur pouvoir de séduction et en celui d’exciter leur partenaire. Je pense à une cliente qui, après avoir vu cette blonde à la poitrine plus que généreuse sur l’écran de l’ordinateur de monsieur, a commencé à être très consciente de son propre corps lors de leurs relations sexuelles, elle qui était brune et qui avait la poitrine plutôt discrète, et qui n’arrivait plus à croire qu’elle excitait vraiment son mari.

Dans ma pratique, je vois aussi des femmes qui se sentent trahies après avoir découvert que leur partenaire faisait des visites sur ces sites pour adultes. Pour certaines, le plus irritant est de constater que tout ça est fait secrètement. D’autres femmes ont l’impression que leur partenaire est infidèle puisqu’il semble désirer ces autres femmes. Il arrive aussi que des femmes se sentent exclues en apprenant que leur partenaire a un « jardin secret »… secret!

Pour beaucoup de femmes, le plus dérangeant, c’est que cette pornographie vient à l’encontre de leurs valeurs sur le plan de l’amour et de la sexualité, car le sexe y est réduit à sa plus simple expression, il est totalement dénué d’émotions. L’éthique et la morale entrent aussi en jeu pour celles qui sont, ce qui est compréhensible, offensées par le fait que les femmes que l’on voit sont utilisées comme des objets sexuels.

Les hommes, de leur côté, sont complètement déconcertés de devoir défendre leur nature et leur liberté personnelle, malgré leur propre ambivalence, tout en essayant de soulager la détresse émotionnelle de leur partenaire et de ramener la confiance au sein de leur relation.

Est‑ce que pornographie et vie sexuelle saine peuvent cohabiter?

Sans vouloir justifier ni la pornographie ni sa consommation, voici certains faits concernant la pornographie :

  • Dans la plupart des cas, le fait de regarder de la pornographie, comme le fait de se masturber, n’est pas symptomatique d’une insatisfaction sexuelle ou du manque d’attirance sexuelle envers l’autre. La plupart des hommes qui consomment de la pornographie pour se faire plaisir savent distinguer le fantasme de la réalité. Ils apprécient et aiment toujours le sexe qu’ils ont « pour vrai » avec leur femme.
  • Le fantasme est normal et sain chez les hommes et les femmes, qu’ils soient en couple ou non. La pornographie est un fantasme joué par des acteurs à l’écran. La plupart des gens fantasment sur le fait d’avoir des relations sexuelles avec une autre personne que leur partenaire, qu’elle soit fictive ou réelle. Ici encore, ça ne signifie pas qu’une personne est insatisfaite de sa vie sexuelle de couple.
  • Il n’y a aucune preuve qu’un lien entre la consommation de pornographie et la misogynie ou une attitude d’hostilité envers les femmes existe. La grande majorité des hommes qui regardent de la porno sont aptes à développer et à maintenir des relations saines et respectueuses avec les femmes qui partagent leur vie.
  • Pour plusieurs hommes, regarder de la pornographie a toujours fait partie de leur rituel de masturbation. Ils peuvent avoir de la difficulté à visualiser des scènes excitantes (le propre du fantasme) et ont besoin d’images concrètes.
  • Il est aussi connu que le fait que les hommes soient les principaux consommateurs de pornographie est lié aux différences de genres. Les hommes répondent généralement plus aux stimulations visuelles et aux images explicites que les femmes.
  • Certains se détendent et relaxent en regardant de la porno. Dans ce monde du fantasme, ils peuvent se concentrer sur leur propre plaisir sans s’inquiéter de savoir s’ils sont de bons amants (les femmes qui vivent dans ce monde semblent toujours excitées et très satisfaites!).
  • Il peut aussi s’agir pour certains hommes de répondre à un besoin de diversité sans pour autant aller voir ailleurs.

Et maintenant, qu’est‑ce qu’on fait?

Maintenant que nous savons tout ça, reste à savoir comment les couples peuvent arriver à résoudre leurs divergences sur la consommation de la pornographie.

Adopter une approche de résolution de problème plutôt que d’entamer un débat sur la moralité ou la non‑moralité de la pornographie constitue une méthode plus efficace. À l’image de toutes les divergences qui surgissent au sein d’un couple, la recherche d’une entente au sujet de la consommation de pornographie demande que chacun des partenaires se sente libre de s’exprimer, sans crainte d’être jugé. Lorsqu’il est question de sexe, il est facile de coller des étiquettes (Tu n’es rien qu’un pervers, un obsédé; Toi, tu es tellement prude…), il ne faut pas tomber dans ce piège. La meilleure solution consiste à être d’accord d’être en désaccord et d’arriver à trouver un terrain d’entente où les deux se sentent bien. Et comme dans n’importe quelle autre situation où l’harmonie est en jeu, il faudra peut‑être se résoudre à accepter un comportement de l’autre qui peut être contrariantt, ou encore à laisser tomber une bonne vieille habitude.

Qui sait, pour certains couples ça représente peut‑être l’occasion d’avoir cette conversation au sujet des préférences sexuelles et des fantasmes qui aurait dû avoir lieu il y a longtemps. C’est peut­‑être un moyen de retrouver, non seulement l’harmonie et la confiance, mais aussi d’éprouver à nouveau le sentiment de curiosité et d’intérêt envers l’autre et la vie sexuelle.